Notre histoire
C’est depuis 1980 que le Syndicat, tel qu’on le connaît, existe dans sa forme actuelle. Toutefois, c’est bien avant cette date que le syndicalisme enseignant fait son apparition sur la Côte-Nord. Durant les années 1960, il y a la naissance de l’Association régionale des enseignants du Golfe. Ce syndicat est le premier mouvement organisé retracé dans la région. Le nom change en 1971 pour le Syndicat des enseignants du Nordet, puis, en 1980, une scission a lieu et divise le syndicat en deux entités, dont le Syndicat de l’enseignement de la Haute Côte-Nord.
Voici un aperçu de l’histoire du syndicalisme enseignant au Québec et dans la région.
La naissance du syndicalisme
Dès les années 1920, les institutrices rurales souhaitent se regrouper en une association. Cependant, c’est mal vu par le clergé de l’époque; on demande à ces femmes d’enseigner le respect de l’autorité et le fait de se réunir vise à « défier » l’autorité des commissions scolaires.
Au départ, le clergé ne voyait pas d’un bon œil le syndicalisme. Cependant, à cause de la menace provenant des syndicats de « métiers », qui utilisaient des moyens de pression « lourds », le clergé décide de participer directement à la formation de syndicats, catholiques, devant se soumettre à la doctrine sociale de l’Église. De tels syndicats devaient obligatoirement joindre à leur exécutif un aumônier ayant un droit de veto sur les décisions prises par les membres.
Les années 30
La crise économique a entraîné des pressions de la part des commissions scolaires sur le gouvernement de Maurice Duplessis. Non seulement les institutrices gagnent bien moins que les instituteurs, le gouvernement décide de céder aux pressions des commissions scolaires et de faire passer le salaire minimum de 300 $ à 250 $ par an. En réaction à ce geste, le 2 novembre 1936, madame Laure Gaudreault fondera, avec une trentaine de collègues, l’Association catholique des institutrices rurales (ACIR). Les premières années seront consacrées à la syndicalisation, mais aussi à la formation par la création de plus de 1 000 cercles pédagogiques qui continueront d’exister jusqu’au milieu des années 60.
Pendant ce temps, sur la Côte-Nord
L’histoire moderne de la région commence à ce moment. La fondation de la Ville de Baie-Comeau en 1937 et le développement progressif des industries forestières de la région amènent la nécessité de se doter d’un système d’éducation. Les premières écoles rudimentaires font leur apparition. Il faudra toutefois attendre les années 1950 et 1960 pour voir la construction de la majorité des écoles du territoire.
Les années 40
Vers le milieu de la décennie, presque tout le personnel enseignant laïc de la province est syndiqué. C’est l’influence de l’Église qui présente cette syndicalisation comme un devoir social qui entraîne cela.
Cependant, les négociations demeurent difficiles; quand les représentantes syndicales se présentent dans les villages pour négocier une convention collective (à cette époque, près de 1 700 commissions scolaires parsèment le territoire, soit près d’une par village), les commissaires refusent souvent de les recevoir et leur ferment la porte au nez!
Les années 50
Le long règne de Duplessis est marqué par de nombreuses lois antisyndicales. Les institutrices sont très mal rémunérées comparativement à toutes les autres catégories de travailleurs. La profession est encore largement dominée par les religieux. Le contexte de la « Grande noirceur » permet des gains modestes, préludes à de plus substantiels après la mort de Duplessis, en 1959. Paul Sauvé, qui lui succéda, fit voter une loi obligeant à devenir membre de la Corporation (CIC) tous les instituteurs et institutrices catholiques de la province de Québec.
Pendant ce temps sur la Côte-Nord…
C’est probablement dans les années 1950 qu’est né le premier regroupement d’enseignant(e)s de la région, l’Association des Instituteurs et Institutrices catholiques de Sept-Îles. L’association regroupe les enseignants d’un bout à l’autre de la Côte-Nord, de Tadoussac à Blanc-Sablon en passant par les trois villages nordiques: Fermont, Ville de Gagnon et Schefferville.
Les années 60
La Révolution tranquille apporte un grand vent de changement : on assiste à la naissance d’un système public gratuit de santé et d’éducation. Le rapport Parent préconise le remplacement des structures existantes par des commissions scolaires régionales chargées de mettre en place une organisation pédagogique moderne. Cela entraînera une réforme des regroupements syndicaux. C’est ainsi que les quelques deux cents associations qui composent la CIC seront regroupées en syndicats régionaux sur la base des territoires des nouvelles commissions scolaires régionales.
En 1960, de nouvelles lois, adoptées par le gouvernement de Paul Sauvé, permettent la restauration du droit à l’arbitrage dans toutes les municipalités et le salaire minimum passe de 600 $ à 1 500 $ par an. C’est le début de la déduction à la source des cotisations syndicales.
En 1964, le Québec assiste à la création du Ministère de l’éducation, à l’implantation des polyvalentes, des Cégep et du réseau universitaire québécois. Le gouvernement libéral introduit le Code du travail qui octroie le droit de grève aux employés de l’État.
En 1967, le gouvernement de Daniel Johnson fait adopter le « Bill 25 », instituant la parité de salaire entre les enseignantes et enseignants, uniformisant les conditions de travail d’une région à l’autre et consacrant la centralisation des négociations au niveau national. La CIC devient la CEQ tout en restant une corporation.
1968 est l’année de la première négociation nationale de la CEQ dans les secteurs primaire et secondaire. Après plusieurs mois de négociations ardues, ponctuées d’événements dramatiques (grèves tournantes, injonctions et démissions), une première convention collective nationale se signe en novembre 1969 : hausse de salaire de 15 % sur 3 ans, première clause de sécurité d’emploi, premières dispositions pour les travailleuses et travailleurs en régions éloignées.
Pendant ce temps sur la Côte-Nord
Les premières conventions collectives sont négociées entre l’Association des Instituteurs et Institutrices catholiques de Sept-Îles et les 19 commissions scolaires qui composent le territoire. Sur le territoire actuel du SEHCN, se trouvait la Régionale de la Côte-Nord pour l’enseignement d’ordre secondaire et, pour le primaire, 6 commissions scolaires. Celle de Tadoussac couvre les municipalités de Sacré-Cœur à Ste-Thérèse-de-Colombier, celle de Baie-Comeau pour Baie-Comeau, Hauterive, Chute-aux-Outardes et Ragueneau, celle des Pointes pour Pointe-Lebel, Pointe-aux-Outardes et Franquelin, celle des Buissons, celle de Baie-Trinité (qui inclut Godbout) et la commission scolaire de Ville de Gagnon.
En avril 1966, le nom de l’Association change pour devenir l’Association Régionale des enseignants du Golfe. Le territoire reste le même mais l’Association perd son statut religieux.
Les années 70
Le Congrès de 1970 demande à la CEQ de se définir comme centrale syndicale et de permettre l’adhésion à celle-ci pour toutes les autres catégories de « travailleuses et travailleurs de l’enseignement ».
En 1972, le premier front commun intersyndical a lieu. Un salaire de base de 100$ par semaine est demandé pour les travailleuses et travailleurs les plus bas salariés des services publics. C’est trop: grève générale de 10 jours et désobéissance massive aux injonctions sont de la partie. Cette ronde de négociation se soldera par l’emprisonnement des trois chefs syndicaux du front commun (CEQ/FTQ/CSN) et le Bill 19 forcera le retour au travail des 210 000 employés de l’état.
La Loi 95, adoptée en 1974, a créé un champ de négociation locale. Désormais, les représentants syndicaux doivent lutter sur deux fronts : au provincial comme affiliés à la CEQ et au local avec les commissions scolaires où ils devront s’entendre sur un certain nombre de matières rapatriées du national : prérogatives syndicales, objets et mécanismes de consultation, certaines clauses de la sécurité d’emploi et de la tâche, éducation aux adultes, etc.
En avril 1976, le gouvernement Bourassa forcera le retour au travail par la Loi 23, mais, avec la poursuite des moyens de pression par les syndicats, finit par retourner à la table de négociation. Des gains importants seront ainsi obtenus : assurance-salaire de 2 ans pour invalidité, indexation des salaires au coût de la vie, baisse des ratios maître-élèves.
En 1979, la Loi sur la santé et la sécurité du travail est adoptée dans le but de faire la prévention des accidents en milieu de travail.
Il faudra attendre à l’automne 1979 pour que la CEQ réussisse à obtenir les congés de maternité (20 semaines), de paternité (5 jours) et pour adoption (10 semaines) ainsi que la prolongation du congé de maternité sans traitement (2 ans).
C’est aussi dans les années 1970 qu’est apparue la semaine de relâche, l’assemblée générale des enseignants de l’école (AGEE), le comité des relations de travail (CRT), et tous les organismes de participation en place encore aujourd’hui.
Pendant ce temps sur la Côte-Nord
À partir de 1970, la documentation est plus abondante. En 1971, l’Association Régionale des enseignants du Golfe devient le Syndicat des enseignants du Nordet. Le territoire reste le même. Durant les années 1970, le nombre de commissions scolaires diminue grandement. C’est en 1972 que la majorité des commissions scolaires sont fusionnées. Sur le territoire actuel du SEHCN, naîtront les commissions scolaires de Tadoussac, de Bersimis et de Manicouagan.
Le premier congrès du Nordet se tient les 29 et 30 mai 1971 à Sept-Îles. Le premier président est M. Martin Tremblay. C’est également à ce Congrès qu’est votée l’affiliation à la CEQ.
Les congrès duraient de 2 à 3 jours et se sont tenus à Sept-Îles, Hauterive, Bergeronnes et Forestville. Les Congrès étaient les moments où on faisait le point sur différents enjeux qui touchaient les enseignants de la région. On y discutait de tout : perfectionnement, griefs, publicité, nominations des représentants aux différentes instances, consultation sur la négociation, etc.
Le premier journal syndical, « Le Nordet » est paru en 1974.
À l’époque, les bureaux du Syndicat des enseignants du Nordet se trouvent dans deux établissements distincts. D’abord à Sept-Îles, mais aussi à Hauterive pour les régions de l’actuel SEHCN, en plus de la Ville de Gagnon. Ces bureaux se trouvent dans un appartement du 859 boulevard René-Boulanger. Deux conseillers, une présidence et une secrétaire y travaillent quotidiennement.
Les années 80
Au début de la décennie, plusieurs facteurs contribuent à créer une pression sur le gouvernement péquiste. Celui-ci demande aux centrales syndicales d’importantes concessions salariales. De nombreuses lois entraîneront la perte d’acquis pour le personnel enseignant.
Durant l’année 1982-1983, plusieurs lois sont déposées. Elles auront de nombreuses conséquences, dont l’augmentation des cotisations aux régimes de retraite, la réduction des indexations, une coupure de traitement de 18,88 % pour une période de trois mois, un gel d’échelon pour une année, une baisse permanente de salaire pour certains groupes, une augmentation de la tâche, un retour forcé au travail, et, en cas de non-respect, congédiement et pénalités.
Malgré tout, en mars 1983, une conciliation spéciale est faite pour les enseignantes et enseignants. On obtiendra le congé sabbatique à traitement différé et la rémunération à 100 % des personnes mises en disponibilité.
Après la ronde des négociations de 1986-1987, on obtiendra une hausse salariale de 12 % sur 3 ans, plusieurs gains sur les droits parentaux ainsi que l’amélioration des conditions de travail pour les personnes à statut précaire. En échange, la banque de journées de maladie passe de 7 à 6 jours.
Le 1er juillet 1989 entre en vigueur la loi 107, la loi sur l’instruction publique (LIP). Cette loi restructure les commissions scolaires sur une base linguistique, précise les droits des élèves, les droits et obligations du personnel enseignant, la place des parents et le partage des pouvoirs.
Pendant ce temps sur la Côte-Nord
En 1980, le Syndicat des enseignants du Nordet se scinde en deux. De cette scission naîtra le Syndicat de l’enseignement de la Région du Fer (SERF) et le Syndicat de l’enseignement de la Haute Côte-Nord (SEHCN). Ce dernier récupère les commissions scolaires de Tadoussac, de Bersimis et de Manicouagan alors que le SERF récupère les territoires à l’est de Baie-Trinité, incluant les trois villes nordiques. Le SEHCN regroupera désormais 770 membres, soit environ 45% des membres du défunt Nordet.
Avec la grève de 1982-1983, d’importans changements s’amènent au SEHCN. De nombreuses réunions ont lieu et le local syndical du logement sur René-Bélanger se fait très petit. Pendant la grève, une bâtisse commerciale désaffectée est louée pour servir de local de grève. Après la grève, le conseil d’administration réfléchit la location d’autres locaux. Cependant, ils sont chers ou mal adaptés. Puis, l’idée d’acquérir le local de grève est émise. Le local est acheté, rénové et transformé en espace commercial. De plus, deux logements sont créés au deuxième étage afin que ce dernier puisse se financer. C’est donc en 1983 que la présidence, les conseillers syndicaux et la secrétaire emménagent au 303, rue de Puyjalon.
Les années 1980 voient également une baisse du nombre de membres. C’est en 1985 que le nombre de conseillers est diminué à un seul, avec le départ à la retraite d’un de ceux-ci.
Les années 90
Les années 1990 riment avec performance, compétitivité et rentabilité. Le contexte en sera donc un de luttes syndicales pour protéger les acquis. Le gouvernement cherche activement à atteindre le déficit zéro et son mot d’ordre est « faire plus avec moins ». Il fera plusieurs demandes de prolongation de conventions collectives assorties de baisse ou de gel des salaires. Ces demandes seront accompagnées de nombreuses menaces de compressions budgétaires. On assistera aussi à une réforme visant la laïcisation des écoles.
Néanmoins, c’est au cours de ces années que nous obtiendrons la création des listes de priorité d’emploi pour l’obtention de contrats à temps partiel et l’obligation d’utiliser ces mêmes listes d’emploi pour l’octroi de contrats à temps plein. La CEQ amorce aussi une réflexion sur le décrochage scolaire.
En 1997, la ministre de l’éducation, Pauline Marois, établit son plan d’action : elle met sur pied les centres de la petite enfance, diminue le nombre des commissions scolaires et donne plus de pouvoirs aux parents en créant les Conseils d’établissement. Elle implante aussi la fameuse réforme.
Juin 1997, le gouvernement propose un programme de départs hâtifs à la retraite, sans pénalité actuarielle, afin de récupérer les sommes nécessaires à l’atteinte de son objectif « déficit zéro ». Plusieurs enseignantes et enseignants de 50 ans et plus qui ont cotisé au RREGOP depuis au moins trente ans se prévaudront de ce programme. C’est le programme des départs volontaires qui ont contribué à drainer le système d’éducation et de santé des employés en fin de carrière.
Pendant ce temps sur la Côte-Nord
L’année 1998 voit la fusion des trois commissions scolaires et la création de la Commission scolaire de l’Estuaire pour l’ensemble du territoire.
Dans les années 1990, la baisse de clientèle se fait vraiment sentir. Le nombre de membres diminue également et la sécurité d’emploi est de plus en plus menacée.
Du point de vue pratique, les locaux répondent plus ou moins aux besoins. L’espace est mal réfléchi et la relocalisation est hors de prix. Des rénovations seront effectuées afin de repenser l’espace.
Les années 2000
En juin 2000, la CEQ devient la CSQ (Centrale des syndicats du Québec) lors du Congrès. Malgré une économie en croissance, et en raison des faibles progressions salariales depuis une vingtaine d’années, la moyenne des salaires des employés du secteur public est inférieure à la moyenne au secteur privé. La lourdeur de la tâche enseignante s’est considérablement accrue dans plusieurs secteurs. La loi sur l’équité salariale permettra des gains substantiels pour les enseignantes et enseignants. De plus, les négociations permettront de garantir davantage de services aux élèves HDAA.
Pour la première fois depuis longtemps, la négociation de 1999-2000 se déroule sans décret et sans aucun arrêt de travail. De plus, des améliorations au RREGOP et une hausse salariale de 9 % sur 4 ans sont obtenues.
Cette réussite n’allait pas durer. En 2004-2005, sous le gouvernement Charest, un décret sur les conditions de travail est imposé jusqu’en mars 2010, avec une augmentation totale de 8% sur 6 ans, dont un gel de salaire pour les deux premières années.
Pendant ce temps sur la Côte-Nord
Les années 2000 sont difficiles au local. De nombreux enseignants sont à statut précaire, la clientèle baisse et le nombre de membres suit la même courbe.
Grâce à de nombreux efforts, le SEHCN réussit à se sortir la tête hors de l’eau et se dirige maintenant vers la période que l’on connaît actuellement.
Conclusion
Le syndicalisme ne meurt pas. Il y aura toujours des causes à défendre et des dossiers à finaliser. Chaque jour comporte son lot de difficultés et d’urgences. Tout bien considéré, il n’en demeure pas moins que l’organisation syndicale est indispensable pour protéger les intérêts collectifs, tout en donnant la possibilité à chacune et chacun de ses membres d’émettre son opinion et de participer.
C’est dans cette philosophie que, depuis près de 50 ans, le SEHCN et le Nordet ont apporté leur contribution pour les enseignantes et les enseignants de la Haute Côte-Nord. À ce jour, la mission première du SEHCN demeure de représenter, défendre, conseiller, soutenir et convaincre que c’est l’union de l’ensemble de ses membres qui permet d’avoir les conditions gagnantes pour l’amélioration des conditions de travail. C’est dans l’implication du plus grand nombre que réside la force d’un syndicat.
Sources :
- Luttes et évolution de la CSQ de 1936 à 2008
- Procès-verbaux de 1960 à 1990
Liste des présidences successives du Syndicat
Syndicat des enseignants du Nordet
- 1971 à 1974 : Martin Tremblay
- 1974 à 1975 : Élie Lejeune
- 1975 à 1980 : René Émond
Syndicat de l’enseignement de la Haute Côte-Nord
- 1980 à 1985 : Alain Fortier
- 1985 à 1986 : René Émond
- 1986 à 1992 : Anne-Marie Hickey
- 1992 à 2008 : Suzanne Bérubé
- 2008 à 2014 : Claude Soulière
- 2014 à 2017 : Simon Cameron
- 2017 à … : Rémi Therriault